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Danseuse Etoile et professeur de l'Opéra National de Paris

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un petit mot...

Delphine Moussin

Le rôle de Marguerite Gautier fait incontestablement partie de ces rôles dont rêve chaque artiste, et ce n’était pas sans quelque appréhension que nous attendions de voir comment allait se dégager de tant de références (dont une, fameuse) Delphine Moussin, dont c’était là la prise de rôle. Nous avons été conquis.

Il est vrai, et ce n’est pas sans malice que nous exerçons cette concession, que cette Étoile, que nous avons peu vue ces temps-ci, laissait craindre que le rôle, d’une lourdeur imposante par sa stature, et d’une difficulté extrême quant à la chorégraphie, aurait pu être inabordable pour elle et techniquement ingérable eu égard à certaines représentations précédentes parfois un peu poussives. Le travail qu’elle a accompli dans ce ballet est très abouti dans la caractérisation de son personnage ; elle prend le parti d’une femme très consciente de son avenir et dont le destin la condamne dès le début du ballet. Elle se laisse certes envahir par l’amour enveloppant d’Armand Duval (le pas de deux du troisième acte, avec ses pas très suggestifs sont admirablement esthétisés), mais cela ne suffira pas à la rédemption du péché par le sacrifice de Marguerite (qui sera de l’ordre de l’amour, en renonçant à Armand, et de sa vie, où elle paye à la société, qui l’entretient et la condamne également, sa vie dépensière et outrageante). L’artiste possède un art du lié que peu de danseuses de l’Opéra de Paris ont ; ses bras sont superbes et forment un discours continu, fluide, sans aspérités. Un lyrisme sublime, qui émeut tout le long des trois actes. Elle a regagné, de surcroît, une force et une vigueur dans les pointes qui rendent plus lisible encore son évolution scénique.

Son partenaire, Manuel Legris, est, le contraire serait surprenant, d’une jeunesse stupéfiante à quarante ans passés : il tourne, porte et saute (et de quelle manière !) bien mieux que nombre de danseurs ayant la moitié de son âge. Et la tâche dévolue à Armand n’est pas des plus minces, les portés stratosphériques de la chorégraphie étant des plus ardus qui soient. Manuel Legris dégage cette puissance, et notamment dans la variation de l’Acte II, où sa musicalité est d’une grande pertinence ; son jeu d’acteur est très classique (ce qui n’est pas dépréciatif), dans une lignée plutôt romantique du rôle (ou, en tout cas, une certaine idée du romantisme).
 

A.Attyasse - Extrait de l'article du 5 juillet 2008 pour RESMUSICA